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J'aime le FLQ

C’est sans appel, c’est viscéral, c’est personnel, c’est vrai, j’aime le FLQ. Pas comme en 2020, où aimer appartient à Facebook. Ni comme une mère, comme Rose Rose, seule elle le pouvait. Mais je l’aime, les yeux sur la blessure, de mon demi-siècle en retard.


J’ai écouté comme beaucoup le documentaire Les Rose qui m’a scié les jambes. Puis — loup-garou de mauvaise humeur en se réveillant — j’ai dévoré tout ce que j’ai pu attraper. L’abondance d’œuvres et de commentaires me rassure. Je m’accroche. Ces personnes avaient un cœur et un courage que je n’ose pas juger. Un courage qui va loin de même, on ne balaie pas ça du revers de la main. Et une croyance incarnée en la démocratie. Au contraire de ce dont s’inquiète Denise Bombardier dans sa chronique du 21 août — qui aime nous dire quoi penser —, ça ne m’a pas donné une image déprimante des années 60 et 70, ça me donne une image déprimante du présent.

Comme un Mathieu Bock-Côté qui a écouté Tout le monde en parle, je me sens insulté.e. Ça m’insulte quand les discours officiels pognent en pain et cachent le fond de l'histoire. Quand on jette le bébé avec l’eau du bain pour ne garder que la mort de Pierre Laporte. Quand on réclame que le 50e anniversaire de la crise d’octobre tourne autour de lui, ça m’insulte ça aussi. On a beaucoup parlé de ce qu’on devait faire ou dire pendant les commémorations d’octobre. On s’est plaint de trop en parler. Mais on ne s’est pas trop demandé pourquoi la crise d’octobre nous parle.

Le ciment de la société

50 ans après, le manifeste du FLQ est d’actualité. Même son 10 000$ par année, même les noms de certains empires, qui ont aujourd’hui juste plus de pépites à leurs couronnes. 50 ans! L’«Église capitaliste romaine » n’en a même pas le toupet froissé. « Nous sommes de plus en plus nombreux à connaître et à subir cette société terroriste et le jour s’en vient où tous les Westmount du Québec disparaîtront de la carte ». Ce n’était pas charrier que d’espérer sortir, en un demi-siècle, au moins un pied du tas de marde.

« 50 ans après, le manifeste du FLQ est d’actualité. Même son 10 000$ par année, même les noms de certains empires, qui ont aujourd’hui juste plus de pépites à leurs couronnes. »

Qu’est-ce que ça veut dire? Peut-être que les États se sont spécialisés en stagnation. Ou la démocratie en contrôle. Ou les partis politiques en passation. Ou la recherche en étouffement. Ou les banques en rétention. Ou la bureaucratie en restriction. Ou toutes ces réponses. L’industrie incarne le progrès, mais s’assure que celui-ci ne brise pas sa laisse. En gros, la société s’est cimentée de partout.

Notre histoire est là, celle du jamais-changement, celle de la démocratie de danse en ligne, celle des gouttes d’eau dans l’océan d’un océan à l’autre. Ça m’insulte, ça m’insulte, ça me met en beau joualvert moi aussi, j’aurais envie de dire en tabarnark.

« J’ai déjà fait pire pour la force » 1

Pour bien citer St-Exaspéry : « On ne voit bien qu'avec le cœur. [La violence de l’État] est invisible pour les yeux. »

Une tribu de chroniqueur.trice.s et d’animateur.trices (se sentiraient-il.elle.s visé.e.s si le manifeste du FLQ passait en reprise à Radio-Canada?) répètent la comptine du terrorisme et ne peuvent plus attendre qu’octobre finisse. Mais si les felquistes étaient prêt.e.s à tout, soyons certains que le gouvernement aussi. Il est nécessaire de peser sa violence groupusculaire dans son contexte réactionnaire et hostile à la démocratie, puis de la lire en bon parallèle avec l’exemple d’oppression de masse qu’elle a motivée chez l’État canadian. Le coup de la Brink's déjà s’apparentait à du terrorisme. Mais avec la Loi illégale sur les mesures de guerre, ce « canon pour tuer une mouche » — détention de 500 personnes, perquisition de 36 000 autres et un mort — là on se frottait carrément au terrorisme d’état.

Il faut faire preuve de conséquence dans notre condamnation de la violence. Nous vivons dans un territoire administré par un État qui use de violence tous les jours et qui a « lâché l’armée » contre sa population. Dans le formidable article Mort(s) du FLQ sur la crise d’octobre, Jean-Philippe Warren nous rappelle que « plus de Québécois, pendant ces heures tragiques, se sont sentis menacés d’arrestation par la police ou l’armée (près de 40 %) que d’enlèvement par le FLQ (25 %) ».

Des « vaisseaux d’or » pour tous!

Mon petit doigt me dit que La Maison du Pêcheur touchait à ce qu’aurait pu devenir une Commune de Paris à la québécoise. Et qu’en avons-nous fait? Admettons que c’était dans l’œuf, admettons que nous avons écrasé la poule bien comme il faut pour l’empêcher de pondre, mais que c’était là, en puissance. À la bonne franquette, mais bien là. Combien d’autres élans comme celui-là avons-nous étouffé?

Notre histoire peut nous rendre solidaires avec celles et ceux qui luttent contre le colonialisme en ce moment, vu qu’on y a sévèrement goûté nous aussi.

« Il est temps de sortir les richesses de prison, de se les partager. »

Ne laissons pas passer encore 50 ans de mort tranquille. Il est temps de remarquer les traces d’horizontalité à l’horizon. De faire « comme si nous étions déjà libres » 2. Il est temps de sortir les richesses de prison, de se les partager. Des « vaisseaux d’or » pour tous!

 

1 Déclaration sous serment de Robert Samson de la GRC, à l'origine de la création de la commission Keable par René Lévesque pour enquêter sur les crimes de la GRC au Québec.

2 Titre d’un ouvrage de David Graeber, publié en 2014.




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