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Lettre ouverte à Mathieu Bock-Côté

Un groupe de manifestants bien organisés de Hamilton a fermé la "Main Street West" devant l'hôtel de ville de Hamilton le 23 juillet 2020 pour peindre "DEFUND THE POLICE" avant la réunion du "Hamilton Police Services Board".

Dans votre article du 27 octobre dernier qui s’intitule « Défendre la police » — votre  position de toute évidence — on en comprend, des points d’interrogation accrochés aux sourcils, que les revendications de Defund the police vous apparaissent naïves, coloniales, voir même pro-américaines. En bon québécois, c’est une sacrée poutine en terme d’interprétation. Laissez-moi vous décrire en quoi cette naïveté, prétention coloniale et affiliation américaine vous reviennent.


Mais avant, rendons-nous à l’évidence. Votre obsession — chevaleresque, mais éblouie — envers le français et la culture québécoise de partout attaqués vous fait analyser tout et n’importe quoi à partir d’elle. On assiste, encore, à un spectaculaire étirement de tire Sainte-Catherine, sorte de déduction tête en l’air qui nous montre qu’on est hors-sujet avant même de commencer. Je me demande à quel point, comme nous toustes, vous êtes prisonnier de votre propre personnage.

Violence

Je ne peux pas imaginer qu’un sociologue lance des déclarations aussi complaisantes que : « La police est d’abord là pour protéger les citoyens ». Pour tenir des propos pareils, il faut vraiment se satisfaire de discours de façade ou être confortable avec la part d’ombre de nos systèmes politiques.

Oui, revenons sur terre.

Que fait d’abord et avant tout la police? Elle use de la force — euphémisme pour violence —  possible ou réelle pour faire appliquer les lois. C’est si crucial qu’on ne le voit pas et que l’État peut par là se passer de toute implication citoyenne dans le processus (ce qu’elle ne manque pas de faire). Il lui suffit d’imposer ses règlements à la va-comme-je-te-pousse. Cette manière de faire, que vous semblez appuyer, tient beaucoup du colonialisme. On le sait, ce n’est pas parce que n’importe qui peut appeler la police qu’elle en est pour autant démocratique.

« Que fait d’abord et avant tout la police? Elle use de la force — euphémisme pour violence —  possible ou réelle pour faire appliquer les lois. »

Si vous vous intéressiez un peu aux mouvements qui naissent aux États-Unis — pas cave comme lieu, c’est là où les idées capitalistes et autoritaires naissent, s’imposent et s’exportent le plus — peut-être auriez-vous pu lire un paragraphe ou deux de David Graeber. Cet anthropologue et militant anarchiste américain, décédé cette année, a publié une étude très riche sur la violence structurelle en 2015 dans son livre Bureaucratie.

La police « protège » bien des choses, de l’appareil étatique à la propriété en passant par les réunions à huis clos sur le commerce international (elle les défend farouchement celles-là), mais on ne peut pas dire que sa première préoccupation soit la protection citoyenne. Comme le fait remarquer Graeber : « lorsque la plupart des actes réels d’agression physique se produisent, même dans de grandes villes comme Marseille, Montevideo ou Minneapolis — violences domestiques, guerres de gangs, rixes d’ivrognes —, la police n’est pas là. »

Plus encore, la police, par ce qu’elle peut très réalistement nous faire, porte elle-même le visage de la violence : « elle introduit la menace de la force dans des situations qui, sans elle, n’auraient rien à voir avec la violence. » (Graeber)

Monsieur Bock-Côté, je comprend que vous avez la soif d’une unité nationale où tout se tient, mais ne dites pas n’importe quoi. On aurait envie de penser que vous écoutez trop d’exploits policiers télévisés. Et même dans ces récits, les enquêtes qu’on y mène se produisent après qu’un crime ait été commis. On tente d’y prévenir le crime, certes, mais ça reste en bonne part de la prévention d’après-match.

« Si l’imposition de la loi dispense les autorités à se mettre à la place des populations (à quoi ça leur servirait, elles décident), on imagine bien que comprendre ses cris d’alarmes soit pour elle un défi. »

Defund the Police est le mouvement qui m’a le plus réjouit ces dernières années. Pourquoi payer collectivement la matraque de Damoclès qui nous pendra au dessus de la tête? Une pléthore de solutions différentes pour notre sécurité peuvent être trouvées, infiniment plus communautaires, démocratiques et sécuritaires. Si l’imposition de la loi dispense les autorités à se mettre à la place des populations (à quoi ça leur servirait, elles décident), on imagine bien que comprendre ses cris d’alarmes soit pour elle un défi. Ce rapport déséquilibré créera toujours des situations où les classes dirigeantes et fortunées ainsi que leurs intérêts seront entendus d’emblée, alors que les populations marginalisées et les pauvres seront balayés « de force » sous le tapis.

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