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Dialogue entre nuit et SOIR

Article attribuable à Lutz Bassmann et moto-relégué microbatiquement par l'International Factice. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se copieTM © 24/7 ® iso 9001

« La nuit, j’écris des notes urgentes et le matin j’oublie de les lire »

De tous ces SOIRs qui sont comme les jours

Pour peu, il serait fort pertinent de réfléchir à l’espace que la nuit investit dans nos imaginaires, tout comme les déclinaisons que celle-ci peut prendre dans le capitaliste et spectaculaire ‘’présent’’. Pour moins encore, il serait d’autant plus saugrenu de poser la question de la circulation des affects et de la création de nouvelles temporalités, de nouvelles communautés durant la nuit. De fait, sous l’égide éblouissante du tout marchand, sous l’injonction ad nauseam du dépassement et de la performance de soi, la nuit se fait rapidement réapproprier pour agir tel le jour. À défaut d’être un milieu de repos pour qu’adviennent autrement les choses, c’est soudainement un autre espace d’épuisement, de flux incessant d’images et d’accumulation de capital symbolique qui vient stroboscober la basse-ville. Nous pensons ici à la Nuit Blanche ou encore, plus actuellement, au festival SOIR. Si pour certain ce rapprochement nominal ne serait que de l’ordre d’un léger jeu de mots, en guise de contre-exemple, mentionnons ici différents collectifs critiques tels que le Consejo Nocturno ou encore le Collectif de minuit. Du Mexique au Québec, il réside donc dans l’espace de la nuit quelque chose qui résiste au jour, l’affronte, qui n’appartient qu’à ce moment; où l’ombre inéluctablement voile. Ainsi, par ce texte, nous tenterons de souligner ce qui peut apparaître dans l’obscure, de ce qui se dévoile en se voilant, dans ce moment de prédilection des jeux du chat et de la souris, des méfaits, des vitres cassées et de l’anonymat.

« Le festival SOIR en collaboration avec […] la SDC Saint-Sauveur, invite les esprits créatifs et les noctambules de Québec à se réunir sur la rue Saint-Vallier Ouest le 7 juin dans le cadre de la première édition de SOIR St-Sauveur!

SOIR investit depuis trois ans des quartiers et leurs commerces en offrant dans toutes les disciplines des performances exaltantes et des expositions In situ disjonctées. Naviguant entre arts visuels, musique, théâtre, danse, cinéma et poésie, SOIR cherche à décloisonner les pratiques artistiques et à provoquer des rencontres sincères et inclusives entre les créateurs de la relève et les communautés locales. » – SOIR

Fragment pour une politique de la nuit

Il serait possible de penser la nuit sous plusieurs acceptions. Elle peut être l’obscurcissement de la lumière, et figurer ainsi l’épreuve qu’il s’agit d’endurer. De cette nuit devrait aboutir solidarité. Devrait, puisque c’est dans l’expérience de la nuit, celle nous ébranlant, que les solidarités se forment, que les corps s’assemblent. C’est dans l’urgence qu’appelle la survivance que les uns rassemblent les autres. Les corps sous la lumière sont découpés et atomisés. L’opacité, l’ombre, quant à elle, peut devenir masse, devenir groupe, devenir communauté puisque l’autre ne se distingue plus du fond, noirci et ombrageux, nous — ensemble — sommes un devenir-autre.

De l’autre nuit, ce serait un moment privilégié pour faire autre, parce que retranchée du monde social, à l’abri des obligations de ce monde, et notamment de la contrainte d’exercer une profession et de se définir par elle. De cette nuit devrait aboutir un instant d’inversion du monde capitaliste. Devrait, puisque ce sera un moment pour cesser de creuser un espace fonctionnarisant entre tout corps; cesser d’être pris pour ce qui nous identifie telle l’unique valeur d’être. La nuit permet de se désidentifier de ce dont nous sommes, pour cesser d’advenir qu’uniquement sous une lecture sociale et économique.

« Pour notre édition dans le quartier Saint-Sauveur on doit encore rallier un tas de monde. Des commerçants, des voisins, des médias, des organismes du quartier… On veut réunir tout le monde, car on croit que l’art devrait être accessible à tous et que nos quartiers gagnent à multiplier les lieux d’expression! Tu connais quelqu’un à Québec ? Tu y vis ?

Parle de notre projet et aide nous à rejoindre le plus de monde possible pour notre édition de Québec le 7 juin ! » – SOIR

Mais dans l’une comme dans l’autre des nuits, c’est dans ces nuits que se jouent d’autres expériences de communauté, comme un moment où peut se réchauffer les cœurs par le partage de part égalitaire — exempt de lecture d’identification sociale et économique. Ces nuits sont la possibilité de suspendre toutes activités sous l’égide du capital; elle est l’expérience du monde dont les limites se sont soudainement élargies. C’est de cet élargissement, de cette amplitude, que menacent les SOIRs et les Nuits blanches.

« Invite tes amis, ta famille, tes collègues, ton prof, ta boss, ta mère ! » – SOIR

Sous les lampadaires de Quartier, les lucioles ressemblent à tout autre moustique

Sous l’éblouissante lumière ne réside aucune part du mal, aucune obscurité. Tout apparaît ainsi dans son éclat transcendé de sa plus-value marchande, dans sa part consommable. On parle de communauté artistique, mais nous entendons scène artistique. Les scènes, c’est ce lieu du spectacle, où la lumière est soigneusement dirigée vers ses sujets. Ainsi découpé par la lumière, ce sujet est cerné et discernable. Attribuant tous gestes à ce dernier, il accumule un capital symbolique. Le reste baigne dans l’ombre, subjugué par le seul où demeure la lumière. Dans l’imaginaire collectif, la lampe torche est utilisée par les policiers pour éclairer et éblouir les malfrats; sur scène, malfrat ou non, l’artiste subit lui ou elle aussi la lumière. Cerné et contrôlé, l’artiste, dans toute son individualité, est glorieusement.

« Le 7 juin prochain, SOIR investira l’intérieur d’une dizaine de commerces locaux de la rue Saint-Vallier Ouest et y présentera des performances, des expositions et des installations multidisciplinaires dans une ambiance festive et contagieuse! » – SOIR

Les lucioles, ce sont ces êtres vivants qui, durant la nuit, émettent des signaux pour que leurs semblables puissent les reconnaître. Pasolini disait que la disparition des lucioles était causée par « l’installation d’un système empoisonné de dictature consumériste et capitaliste moderne, de mercantilisme à outrance, de tolérance en tous sens et d’hédonisme forcené conduisant à la mort certaine de ce qui, dans le monde et l’humanité, pouvait encore être aimé. » C’est de cette condamnation de l’hédonisme marchand qu’il qualifiait un jour de « fascisme pire que celui d’antan puisqu’il réussissait sans le moindre accroc là où l’autre avait échoué, c’est-à-dire dans l’asservissement de tous, de tout et de toutes ». Dans ses mots, un fascisme-lumineux. Il nous faut apprendre à quitter la lumière, le jour et l’espace éclairé de la scène.

« \\\\\\\\\ INVITEZ \\\\\\\\\ PARTAGEZ \\\\\\\\\ AIMEZ-nous \\\\\\\\\ » – SOIR

L’action de la vie,
Ne seront que communiquées,
et seront, elles, la poésie,
puisque, je te le répète,
il n’y a pas d’autre poésie que l’action réelle.

(Qui je suis, Pasolini, 1966)

Au XIXe siècle, nous pouvions lire dans un dictionnaire, à l’entrée « société » : expression de la vie publique. Les exemples de vie publique étaient, en ce siècle, toujours dans ce même dictionnaire, des bagarres, des bousculades, des émeutes. L’espace de lumière que SOIR projette durant la nuit occulte tous ceux et celles qui ont de jour que les nuits, qui ont d’expression de leur vie publique qu’en la part maudite. Les lucioles et les noctambules n’ont jamais été de ces SOIRs, de ces Nuits blanches.

S’il nous est encore nécessaire de revendiquer l’importance des espaces nocturnes, c’est que les institutions qui s’activent durant le jour ne sont plus à émuler. Mais, même si nous accordions une quelconque importance aux institutions, c’est la création de communautés qui nous importe. Telle l’expérience du noircissement de la lumière, de l’épreuve de la nuit, une communauté prend naissance lorsque l’individu se reconnaît isolé et atomisé. Les scènes sont combles, dormons ce SOIR, nous nous retrouverons demain.

Article issu de notre partenariat non-autorisé avec Fucksoir : https://fucksoir.home.blog/2019/05/15/dialogue-entre-nuit-et-soir/?fbclid=IwAR1pBB9r1hc0947Q4joJnuakeN_fdhU_pXAbQepAQCrgI0CvLvY_HxZktsA
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