Solidarité avec les libraires de la librairie Raffin Plaza Saint-Hubert
Le métier de libraire est un des plus difficiles du milieu du livre. Un.e libraire travaille sur le front premier de la diffusion de l’écrit, au contact humain direct avec le lectorat. En sus de passer plusieurs dizaines d’heures par semaine sur le plancher où iel s’adapte aux différents publics et fait office de médiateurice culturel.le et de vendeureuse, iel doit entretenir une expertise livresque qui demande de nombreuses heures de lecture, lesquelles s’ajoutent à son horaire de travail. Or, lire pour le travail a peu à voir avec cette autre activité ludique qu’est la lecture récréative. La maîtrise du métier de libraire s’accompagne le plus souvent d’une formation universitaire et, dans tous les cas, de plusieurs années d’expérience. Un.e libraire possède une expertise rare et absolument nécessaire dans la chaîne du livre. Sans libraires de qualité, point de vie du livre.
Considérant cela, Chantal Michel et Martin Granger, propriétaires de l’enseigne Raffin depuis 2009, ont estimé, lors des dernières négociations entourant le renouvellement de la convention collective de leurs employé.e.s, qu’un salaire à peine plus élevé que le salaire minimum conviendrait tout à fait à la majorité de leurs employé.e.s. L’essentiel demeure en-dessous de 14 $ de l’heure, chiffre dont s’approchera un peu plus le salaire minimum au 1er mai prochain. Non seulement Chantal et Martin proposent ces bas salaires, mais iels ont opté pour l’attribution de temps partiels, de façon à ce que la précarité soit la règle dans leur établissement de la Plaza Saint-Hubert. En réponse aux revendications des libraires, iels ont fait l’embauche d’une adjointe à la direction dont le mandat comprend la « discipline » des employé.e.s. Précarité, austérité, autorité : poursuivant ce credo de l’ultralibéralisme néolibéral, Chantal et Martin ont menacé de revendre les locaux de la librairie avec pour clause d’achat l’interdiction d’y installer une librairie pour les cinq années suivant la vente. Plutôt tout couler que négocier avec le personnel, voilà l’idée. Et en sous-texte le principe selon lequel les employé.e.s doivent manger dans la main du patronat.
« Précarité, austérité, autorité : poursuivant ce credo de l’ultralibéralisme néolibéral, Chantal et Martin ont menacé de revendre les locaux de la librairie avec pour clause d’achat l’interdiction d’y installer une librairie pour les cinq années suivant la vente. Plutôt tout couler que négocier avec le personnel, voilà l’idée. »
Interrogé, le couple, qui a fait une partie de sa fortune dans la revente de stock de livres invendus aux magasins à grandes surfaces et autres espaces de vente au rabais, accuse les temps difficiles, les travaux devant la librairie et l’épidémie de COVID. Il faut toutefois savoir qu’une importante partie des revenus de la librairie Raffin Plaza Saint-Hubert provient des services aux collectivités. Une part si importante d’ailleurs qu’elle monopolise une équipe entière de libraires et occupe un étage complet de la librairie. Cette activité a peu ralenti pendant l’épidémie. En outre, les ventes en ligne ont été excellentes, et le chiffre d’affaire pour certains mois a doublé par rapport à l’année dernière — ce qu’ont pu calculer certain.e.s libraires en comparant les ventes d’une année à l’autre. Sans compter que l’entreprise a bénéficié de subventions gouvernementales pour son loyer en raison du confinement. Enfin, Chantal et Martin ont catégoriquement refusé de présenter les livres de comptes aux employé.e.s pendant les négociations comme cela est commun de le faire dans ces circonstances, lorsqu’un.e employeureuse argue des difficultés financières. Auraient-iels quelque chose à cacher…
Si cela ne suffisait pas, Martin et Chantal se sont entêté.e.s dans leur autoritarisme, certain.e.s représentant.e.s syndicaux.ales et ancien.ne.s employé.e.s évoquant du harcèlement moral et des représailles pour activités syndicales. Enfin lorsqu’un auteur, Paul Kawczak, a soutenu la grève sur sa page Facebook, Chantal aurait demandé, selon des employé.e.s, le retrait de ses livres des tablettes…
« Encore une fois, antisyndicalisme, autoritarisme, austérité et précarisation marchent main dans la main. »
Encore une fois, antisyndicalisme, autoritarisme, austérité et précarisation marchent main dans la main. Leur association fait partie d’un ensemble de pratiques et de pensées plus vaste qui a une origine, un nom, une logique et un programme : l’ultralibéralisme néolibéral abondamment documenté (Michel Foucault, Barbara Stiegler, Grégoire Chamayou, Pierre Bourdieu, Loic Wacquant, Silvia Federici, pour ne citer qu’elleux).
Employé.e.s du milieu du livre, vous êtes solidaires, vous serez peut-être les prochain.e.s à être mangé.e.s si ce n’est pas déjà fait. Soutenez le combat des libraires de la librairie Plaza Saint-Hubert, soyez vigilant.e.s face à cette logique puante et avilissante. Syndiquez-vous, unissez-vous, luttez ! ⬤